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Sécheresse au canal du Panama : en quoi cette situation illustre les effets du changement climatique sur le transport international de marchandises ?

Écrit par
Publié le
25
September
2023

L’impact du transport de marchandises sur le réchauffement climatique est indiscutable. Selon l’OCDE, le secteur émet près de 7 % des émissions de CO2 globales, soit l’équivalent d’un pays comme l’Inde. Or, en retour, le secteur du transport est de plus en plus touché par les conséquences de ce réchauffement. Cette réciprocité illustre ainsi la “double matérialité” du changement climatique. Et la crise actuelle sur le canal du Panama en est un exemple édifiant. Dès lors, nous faisons face à deux leviers pour lutter contre le réchauffement climatique : l’adaptation à la vie sur une planète où il fait plus chaud d’une part et l'atténuation du dérèglement climatique d’autre part. 

Une adaptation durable aux phénomènes climatiques extrêmes 

Baisse du niveau d’eau sur les voies fluviales comme le Rhin en 2022, passage bloqué en raison d’incendies dans le détroit des Dardanelles à fin août 2023… les épisodes auxquels nous devons nous adapter de façon plus ou moins durable se multiplient. Qu’est-ce que cela signifie pour les chargeurs ? Le trafic est plus limité, ou les navires doivent être allégés : il faut désormais anticiper ses nouveaux risques qui pèsent sur les chaînes d’approvisionnement. 

La nouvelle donne introduite par la situation au Panama, c’est que cette adaptation n’est plus saisonnière. En effet, l’Autorité du Canal de Panama (ACP) a annoncé la limitation pour une durée d’un an du trafic quotidien sur le canal à 32 navires par jour, contre 40 habituellement. L’impact est immense, car c’est près de 6 % du commerce international qui transite par ce canal. Pour l’instant, ces restrictions touchent plutôt les chargeurs américains pour qui près de 40 % du fret conteneurisé passe par Panama. L’exemple n’en est pas moins édifiant : cette annonce confirme la nécessité d’un changement durable des importateurs et exportateurs quant à la gestion de leurs transports.

Notamment, les chaînes d'approvisionnement se voient contraintes de renforcer leur résilience. Ce nouvel impératif pressant invite à remettre en question les modèles classiques de gestion tels que le flux tendu, le zéro stock ou le zéro délai.

L'impératif d'adaptation se révèle incontournable pour faire face à cette perturbation. Il convient toutefois d'éviter de recourir à des stratégies de « mal adaptation », susceptibles d'entraîner des conséquences néfastes et indésirables pour l'atténuation du changement climatique ou la justice sociale.

La nécessaire atténuation du risque environnemental en limitant les émissions du secteur 

Si la sécheresse se prolonge, on peut craindre que les compagnies maritimes optent plus régulièrement pour des itinéraires commerciaux plus longs et plus émetteurs, comme contourner le continent sud-américain, doublant ainsi la distance à parcourir. Du côté des entreprises, elles pourraient chercher à se prémunir contre le risque de blocage en recourant davantage au fret aérien, qui émet 50 fois plus de CO2 que le transport maritime.

L’exemple du Panama constitue un nouvel avertissement qui appelle les entreprises de transport à réduire leur empreinte sur le climat, afin de préserver leur propre activité. L’objectif fixé par les accords de Paris est une réduction de 64% d’ici à 2050. Plusieurs leviers sont à disposition, à commencer par la sobriété des flux ou des distances, le report modal vers des modes de transports massifiés et plus lents ou le recours à des carburants alternatifs. 

La question sous-jacente du partage des ressources et de justice sociale 

La crise du canal de Panama met en lumière de manière poignante les répercussions locales du changement climatique et la question de la répartition des ressources. L’annonce de limitation du trafic a été déclenchée par la sécheresse exceptionnelle qui sévit au Panama. Or ce n’est pas le niveau d’eau de la mer qui inquiète, mais celui des eaux douces des lacs du Panama. Via un système d’écluses, elles permettent aux navires de s’élever de 26 mètres au-dessus du niveau de la mer. À chaque passage de navire, 200 millions de litres d’eau douce sont ainsi déversés dans les océans. Cette situation soulève la question de la répartition des ressources autour de ce bassin qui alimente en eau potable la moitié des 4,2 millions d’habitants du pays. L’autre conséquence de la limitation du trafic sur le canal est économique : le canal étant la première source de revenus fiscaux du pays. Ces pertes pourraient s’élever à 200 ou 300 millions de dollars. 


Finalement, la crise actuelle matérialise sur un même territoire et dans un même secteur les relations de cause à effet du changement climatique. Les émissions en constante augmentation du secteur des transports amplifient l'effet de serre mondial, intensifiant ainsi la fréquence et la violence des phénomènes climatiques extrêmes qui affectent en retour profondément les opérations de transports.

Cette crise appelle fortement les chargeurs à revoir leurs pratiques de transport, en renforçant la résilience de leurs chaînes d'approvisionnement et en limitant leur empreinte climatique grâce à la sobriété, au report modal et à l'adoption de carburants alternatifs.

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